Orgue de Choeur Saint Nicolas Neufchâteau
1891 : pose d'un orgue d'occasion venant de Remoncourt, par Henri Didier.
1990: restauration par Laurent Plet.
Vendu en 1891 comme orgue d'occasion par Henri Didier, l'instrument n'a pas encore livré le secret de ses origines. La tradition locale selon laquelle ce serait l'ancien orgue de l'abbaye Notre-Dame de Mureau, non loin de Neufchâteau, doit être rejetée ; en effet, rien dans cet orgue ne correspond avec ce que l'on sait de l'instrument de Mureau. Par ailleurs, dans son devis du 24 juin 1891, dont les 12 pages ont été rédigées par l'abbé Simonet, Didier affirme que ce petit orgue était l'œuvre de « Léthé », et qu'il datait d'une trentaine d'années. Mais à part cinq tuyaux qui peuvent éventuellement être attribués à Nicolas-Antoine Lété, rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit bien d'un ouvrage du facteur mirecur- tien, d'autant que ces cinq tuyaux semblent plutôt avoir été introduits dans l'orgue par Didier. De toute manière, Lété était déjà en retraite en 1860, et il n'aurait plus construit de sommier sans premier ut# à cette date, même si son orgue de Chessy-les-Prés, dans l'Aube, est effectivement dépourvu de premier ut#. L'attribution à Lété doit donc être remise en question.
L'instrument semble plutôt avoir été construit dans l'atelier d'un facteur des Hautes-Vosges, le plus grand tuyau de façade étant signé d'un « montagnard ». Les marques relevées sur la tuyauterie ancienne — notamment My et Sy — se retrouvent dans les orgues de Jean-Baptiste Jeanpierre (Dompaire et Bruyères), dans les premiers ouvrages de Jean-Nicolas Jean- pierre (Moriville, Coinches, Le Ménil, Bussang et Saint-Georges de Raon) et dans les premiers ouvrages d'Antoine Grossir (Hadol et Ramonc-hamp). A notre avis, c'est le même tuyautier qui a confectionné les jeux de tous ces orgues et ceux de l'orgue de choeur de Neufchâteau. L'instrument lui-même est plutôt l'œuvre des Jeanpierre, car d'autres détails techniques, notamment l'abrégé, ne peuvent être l'œuvre de Grossir, La date de construction doit se situer entre 1820 et 1835.
Pour ce qui est de son lieu d'origine, rien ne permet de le connaître, mais une lettre du curé de Saint-Christophe de Neufchâteau à Théodore Jaquot, datée du 29 septembre 1891, indique son emplacement précédent : « L'abbé Simonet est organiste (faute de mieux) à St-Nicolas. Il a fait acheter à la fabrique un petit orgue de choeur qui vient de Remoncourt. 6 (eux, 3 000 fr. » Le Vosgien du 21 août 1891 évoque également Remoncourt, ce qui confirme cette provenance. A Remoncourt, l'instrument avait été placé vers 1860 : en 1867, l'abbé Jacquin vendit à la commune de Remoncourt le petit orgue qu'il avait posé quelques années auparavant dans l'église. Cet instrument « déjà vieux » fut cédé par le curé pour 1 000 fr, bien qu'il ait été estimé à 1 150 fr par Henry François, « accordeur d'orgue » à Mirecourt et qu'il ait coûté beaucoup plus cher lors de l'installation. Où se trouvait-il avant Remoncourt ?
Lors du transfert à Neufchâteau, Didier transforma profondément la soufflerie et remania sensiblement la composition, comme cela était dans ses habitudes. Henri Didier et l'abbé Simonet étaient très fiers du résultat, et proposèrent sa visite chaque fois qu'ils le pouvaient.
L'instrument avant restauration.
Autour de 1925, l'entretien était assuré par Joseph Voegtlé, puis par Henri Pallaud, à la fin des années quarante.
Classé Monument Historique, l'orgue fut très scrupuleusement restauré en 1990 par Laurent Plet, facteur à Macey (Aube). L'état « Lété 1840 », donc postérieur à l'orgue d'origine, fut choisi par la Commission Supérieure des Monuments Historiques, même si cet état n'est pas documenté par des archives et s'il est peut-être fictif, comme on l'a vu plus haut. D'ailleurs, ces incertitudes firent plusieurs fois évoluer le programme en cours de chantier. Mais ceci n'enlève rien à la qualité du travail du facteur d'orgues. L'instrument a été remonté dans l'église en décembre 1990.
BUFFET
Daté par certains du XVIIIe siècle, le ouffet est pourtant postérieur à la Révolution, avec des assemblages utilisant plus la vis et le clou que la cheville de bois, avec des mensurations conçues selon le système métrique, comme l'a révélé la dernière restauration. Le meuble est en pin, recouvert d'une peinture faux- bois par Didier. Lors de la restauration, il a été décapé et ciré par la maison Hollard (« L'Atelier ») d'Epinal. L'Inspecteur des Monuments Historiques demanda d'en faire un « meuble paysan » en le teintant en « pin brûlé », au risque d'en arriver à un banal buffet de cuisine, plutôt sorti d'un supermarché de meubles... Pourtant, la menuiserie assez grossière, avec même des traits à la pointe sèche sur la façade — poncés depuis — semble plutôt montrer que le buffet a été conçu d'emblée pour être peint. Il était en tout cas déjà peint avant 1891, puisque Didier parlait de le peindre à neuf. Selon Laurent Plet, on distinguait encore des traces d'un glacis gris sous les baguettes posées par Didier.
Quant au décor sculpté, il est doré, et l'était déjà avant Didier, puisque son devis parle de les «redorer». Mais on y distingue cependant quatre mains différentes. Les claires-voies semblent d'origine, avec du papier rouge neuf à l'arrière. Les ailes sont plus tardives, du milieu du XIXe siècle. Les urnes surmontant les tourelles semblent provenir d'ailleurs, installées par Didier — ou plutôt par son menuisier Louis Simonet, de Rouceux — pour cacher les caissons surmontant le Salicional 8. De même, de très lourds ailerons avaient été placés au-dessus des plates-faces, pour cacher le sommet des jeux de huit pieds ajoutés par Didier, mais ils n'ont pas été remis en place en 1990. Les culots des tourelles sont beaucoup plus sobres, en noyer. Pour ce qui est des plafonds, ils sont neufs, en sapin. Les panneaux arrière sont anciens, avec un approfondissement pour laisser plus de place au jeu d'anche.
Les tuyaux de façade sont en étain, avec écussons rapportés en plein-cintre dans les tourelles et imprimés en triangle dans les plates-faces. Ils sont contemporains du buffet.
A l'arrière du plus grand tuyau de la tourelle centrale, on trouve l'inscription suivante, gravée à la pointe sèche : il ne faut pas setonner ci ces tuyaux sont mal soude Ce sont les premier qui ont été fait par un montagnard âgé de dix sept ans
Inventaire des Orgues des Vosges / Christian LUTZ